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Votre chien chez le psy : évaluer le chien réactif (jappements, partie II)

Dernière mise à jour : 20 janv. 2022



Aline, et si on poursuivait la discussion sur les jappements ?


Mais oui, avec plaisir ! Alors c’est parti ! Avant d’entrer dans les détails, j’aimerais toutefois revenir sur une notion vraiment très importante, peut-être même la plus importante à retenir, lorsque l’on cherche à diminuer des jappements.

Comme vu dans mon précédent article, nous devons avant tout considérer un élément essentiel : l’émotion vécue par le chien au moment où il jappe. L’émotion et le comportement sont profondément interreliés, mais nous allons TOUJOURS nous focaliser en premier lieu sur l’émotion vécue (rappelle-toi, c’est ce que j’appelais le "travail de détective”).


Mais pourquoi cela ? Finalement mon chien peut bien ressentir ce qu’il veut, comme on ne sera jamais capable d’entrer dans sa tête, ce qui m'intéresse c’est ce qu'il fait, non ?...

Dans un sens, oui, mais si je te dis que le comportement DÉCOULE de l’émotion vécue, cela change un peu la donne… :) Par exemple, si Fido éprouve de la peur vis-à-vis d’un autre chien, il arrive très souvent que, dans ce cas, cette émotion induise le comportement de japper (on parle alors de “réactivité par peur”, ou d’agression de distancement - j’y reviendrai). Dans cette situation, il est important de réaliser que Fido ne jappe pas par simple plaisir d’entendre sa propre voix, ni pour demander de l’attention, ni, encore moins, par “manque d’éducation” ! En cherchant à connaître l'émotion vécue par le chien au moment où il jappe, nous allons pouvoir deviner la FONCTION de ce comportement, ce qui va nous permettre de répondre à la question suivante : “Mais POURQUOI jappe-t-il ?” Autrement dit : “Que cherche-t-il à obtenir en agissant de cette manière ?” Est-ce une stratégie pour attirer l’attention de son humain ? Ou au contraire, une façon de réclamer de la distance avec ce qui génère de la peur ? Est-ce donc pour éloigner des dangers ? Ou par frustration de ne pas avoir accès à ce qu’il désire ? Est-ce un exutoire à un stress en l’absence de déclencheur ? Comme tu le vois, la liste des réponses au “pourquoi” peut être longue et plutôt variée… ;)





Dès lors, si on est en mesure de répondre à la question du POURQUOI ?, nous allons pouvoir mettre en place le COMMENT, c’est-à-dire le bon protocole pour réduire efficacement les jappements. Et bien sûr, chaque protocole sera différent selon la fonction du comportement, et l’individu : il n’existe pas de solution unique à tous les types de jappements (ce serait trop beau 😉) !


Merci d’avoir rappelé ces notions, mais là je bouillonne d’en savoir plus sur le COMMENT...

Je te comprends !! Mais j’aimerais d’abord prendre le temps de bien expliquer comment tout cela fonctionne, tu verras que cela en vaut vraiment la peine, car par la suite tu sauras appliquer la technique la mieux adaptée à ton chien. Je pense que c'est du temps bien investi ;) !


On va décortiquer ensemble les trois cas que je rencontre le plus souvent en consultation :

  1. Les jappements dans un contexte de réactivité

  2. Les jappements de peur aux bruits

  3. Les jappements de demande d’attention

Comme j'aime faire les choses en détail, chacune de ces situations va faire l’objet d’un article. Pour l’heure, je te propose de commencer par les jappements qui se produisent dans un contexte de réactivité :


# 1 : les jappements dans un contexte de réactivité





Ahhh merci de commencer par la réactivité, car j’ai de plus en plus de peine à promener mon chien : il réagit aussitôt qu’il aperçoit un congénère, et cela me gène terriblement (le monde entier nous observe !), en plus de me faire mal au bras. Il est pourtant si gentil à la maison...


Rassure-toi, tu es loin d’être la seule à vivre avec un chien réactif : la réactivité est tellement répandue, notamment en ville où les chiens sont constamment tenus en laisse… La bonne nouvelle ? Il existe des solutions :) !! Voyons cela ensemble.


Mais tout d’abord, qu’est-ce qu’un chien “réactif” ? Qu’entend-on par là ?


D’après le Petit Robert, la réactivité est “la capacité de réagir à une stimulation extérieure”. Si on s’en tient au dictionnaire, les chiens réactifs sont donc sensibles au monde qui les entoure, et réagissent aux stimuli. C’est plutôt une bonne nouvelle, car on pourrait dire que cette capacité à réagir correspond à la définition même “d’être vivant” ;). Ce que le Petit Robert ne spécifie pas, par contre, c’est avec quelle intensité les chiens étiquetés “réactifs” réagissent… Et dans les faits, l’intensité d’une réaction est un paramètre plutôt difficile à définir, car ce dernier va dépendre avant tout de l’appréciation du propriétaire lui-même, face aux agissements de son chien. En effet, un chien “réactif” selon les critères d’une personne va peut-être être doté d’un comportement parfaitement “normal” aux yeux d’une autre. La définition de la réactivité est donc passablement subjective, et est définie de façon variable par les humains eux-mêmes.


Ah oui, je comprends bien sûr qu’un chien ne se définit sans doute pas lui-même comme étant “réactif”. Par ailleurs, il doit considérer que son propre comportement est sûrement efficace et adapté à la situation, s’il le produit… J’ai toutefois quand même peine à croire qu’un chien qui jappe comme un fou, debout sur ses pattes arrière, n’inquiète pas ses propriétaires ?... Comment trouver ce comportement “normal”, ou "acceptable", socialement parlant ?

Et pourtant... :) !!


Par exemple, dans mon nouveau quartier (je viens de déménager), les propriétaires de chiens croisés en promenade me paraissent particulièrement patients vis-à-vis de la “réactivité” de leurs pitous : les jappements semblent banalisés, et faire partie du panel de comportements réguliers, habituels. Du moins, je n’observe aucun signe d’impatience de la part des promeneurs de chien, ni aucun stress par rapport aux agissements de leur pitou, au point où je pourrais très bien les imaginer me dire : “Et bien oui, mon chien jappe, et après ? C’est bien normal, un chien qui s’exprime en chien !”. Alors que d’autres pourraient s’inquiéter d'une situation jugée “problématique”, ils continuent quant à eux de marcher calmement, en éloignant Fido du déclencheur, tout simplement. Est-ce que cette attitude flegmatique face aux jappements serait, en partie, culturelle, ou plutôt une habitude sociale répandue dans mon quartier ? Je n’en ai aucune idée… ;) Mais cela n'a fait que confirmer que la réactivité est bien définie comme telle par les humains...


Mais revenons donc à la définition de "réactivité". Comme pour les besoins de l’article il faudra bien la préciser d’une façon ou d’une autre, je propose de nous entendre sur celle-ci : un chien réactif est un chien qui va “japper (intensément), tirer sur sa laisse, être éventuellement hérissé, et adopter une posture haute, oreilles orientées en avant et queue dressée” en présence d’un déclencheur ou de plusieurs déclencheurs spécifiques, lors de la promenade. Tout ceci correspond à ce que l'on peut observer, mais il faut, bien entendu, garder à l'esprit que les comportements émis par un chien réactif révèlent, ou laissent suggérer, un certain état émotionnel, lequel peut être plus ou moins intense, selon la situation.


À ce sujet, plusieurs paramètres peuvent être d'ailleurs pris en compte lorsqu’on parle de réactivité. Voici une grille d’analyse que je trouve particulièrement complète, décrite par l’américaine Leslie McDevitt, intervenante en comportement canin aux États-Unis, dans son livre : “Control unleashed, Reactive to Relaxed” :


Le F.L.I.R.T., ou :

  • Fréquence

  • FLexibilité

  • Intensité

  • Récupération

  • Tolérance (seuil de tolérance)


Leslie utilise le F.L.I.R.T. comme aide à l’analyse d’un comportement, afin de déterminer dans quelle mesure il est symptomatique de problématiques sous-jacentes chez le chien, et à quel point ce dernier aurait besoin d’être réhabilité, en étant suivi pour cela par une équipe de professionnels (intervenant en comportement canin, mais aussi vétérinaire, ou vétérinaire comportementaliste, au besoin). En fait, le F.L.I.R.T est un très joli outil qui permet d’apprécier finement le degré de bien-être du chien, tout en donnant des pistes de réflexion pour établir un bon protocole de réhabilitation.


Ah oui, c’est vrai, tu me disais que tu portais beaucoup d’attention à la qualité de vie du chien, en plus de celle de ses humains bien sûr, lors de tes consultations…

En effet :) Ce point est même essentiel pour moi :) ! Et c’est profitable pour les humains aussi, car un chien qui est bien dans ses baskets va en général de paire avec des humains heureux :) !





Ah mais oui ! Si mon chien était plus à l’aise à la vue de ses congénères, il ne japperait sans doute pas comme un damné, et je serais à nouveau heureuse de le sortir, cela fait bien du sens… Je comprends mieux pourquoi prendre en compte l’émotion du chien est tellement important, maintenant.

C’est exactement cela :) Quand je te disais que TOUT commence par l’émotion… ;). D’ailleurs, pour citer encore une fois Leslie, notre but premier n’est pas de changer le comportement du chien, mais plutôt de l’aider à gérer ses émotions, à se sentir mieux, et à changer sa perception de la situation. Aussitôt que le chien est fonctionnel émotionnellement parlant, il devient alors naturellement fonctionnel au niveau du comportement :) Tu verras, c’est magique ;) !


Voyons maintenant un peu plus en détail ce qu’est le F.L.I.R.T., et comment l’utiliser :


L'idée est de choisir un comportement OBSERVABLE, que l’on peut décrire concrètement (par exemple celui de japper dans un contexte de réactivité). Ce comportement va être noté en fonction des 5 paramètres mentionnés plus haut, soit la fréquence, la flexibilité, l’intensité, la récupération et le seuil de tolérance du chien. La note est basée sur 10 points, UN (1) étant peu (donc révélateur de normalité) et DIX (10), beaucoup (donc révélateur d'un état « intense », de stress, d’anxiété, de mal-être).


Pour exemple, voici deux appréciations, l’une de feu mon chien Tinguely, qui était extrêmement réactif aux humains et aux chiens quand je l’ai adopté, et l’autre, de ma chienne Kahlo, que je qualifierais de stressée face aux chiens, sans être à proprement dit “réactive” :


1. Fréquence : à quelle fréquence le chien jappe-t-il en présence de déclencheur durant ses promenades ? Une fois de temps en temps, ou au contraire de façon systématique, à chaque fois qu’il aperçoit / entend un déclencheur ?

  • Tintin jappait avant même de voir un chien, juste en entendant le bruit du son métallique d’un collier ou d’une laisse… Je lui aurais donc mis une note de 10/10 ici.

  • Kahlo ne jappe pas en voyant un chien dans la rue. Théoriquement elle devrait donc avoir une note de 1/10. Par contre, elle va le fixer, le “surveiller” si tu veux, le tenir “à l’oeil”. Pour cela, même si elle ne jappe pas, je perçois néanmoins une réaction en présence de chiens, et ce, à chaque fois qu’elle en voit. Je vais donc faire une petite dérogation au critère de départ, et lui mettre une note de 10/10, même si elle ne jappe pas dans ce contexte.

2. Flexibilité : est-ce que Fido est capable d'offrir un autre comportement lorsqu’il réagit, comme revenir vers son humain s’il l’appelle, ou lui offrir un regard ? Ou au contraire, il reste obnubilé par le déclencheur, sans pouvoir le lâcher des yeux, et sans entendre ni écouter son propriétaire ?

  • Tintin était capable de revenir vers moi, mais il restait malgré tout tourné vers les déclencheurs. Une note de 6/10.

  • Kahlo revient aussitôt vers moi, d’elle-même la plupart du temps. 1/10 pour elle ici, car elle est capable d’offrir une panoplie de comportements alternatifs au fait de japper.

3. Intensité : avec quelle intensité Fido émet-il le comportement de japper ? Est-ce qu’il jappe avec un petit « woof », ou au contraire avec des gros « WOOF WOOF WOOF WOOF » ? Est-il au bout de sa laisse, debout sur ses pattes arrière, ou bien la laisse reste-t-elle détendue ?

  • Tintin était INTENSE de chez intense ahah !! Rien à moitié avec ce beau garçon : 10/10.

  • Kahlo ne jappe pas quand elle voit un chien. Donc un 1/10.

4. Récupération : à quelle vitesse Fido est-il capable de se remettre de ses émotions / de passer à autre chose une fois le déclencheur passé ? Quelques secondes, quelques minutes, ou jamais (dans ce cas, il reste alors en alerte et vigilant durant tout le reste de la promenade) ?

  • Tintin démontrait de l’hypervigilance avant même d’être sorti de la maison, et était malheureusement incapable de récupérer entre les épisodes stressants : 10/10 ici aussi.

  • Kahlo récupère aussitôt après avoir vu un chien, et n’a pas tendance à accumuler le stress : 1/10 pour elle.

5. Tolérance : le seuil de tolérance du chien est-il élevé ou bas ? C'est-à-dire, est-ce qu’il va réagir alors qu’il est prêt du déclencheur, à 1-3 mètres, ou, au contraire, du plus loin qu’il peut l’apercevoir, à plusieurs dizaines / centaines de mètres ? Quelle est notre marge de manœuvre lorsqu'on est en présence de déclencheurs ?

  • Tintin : hum hum, est-ce que j’ai déjà dit qu’il était INTENSE ? Oui ?... Et bien là aussi, un 10/10, car aucune tolérance, quelle que soit la distance entre lui et le déclencheur, qui pouvait être à 200m et à peine visible...

  • Kahlo se montre très tolérante : son poil va toutefois se hérisser parfois si elle se trouve à moins de 2m d’un chien inconnu. Donc un 2/10.


Voyons maintenant ce que donne notre grille selon les différentes moyennes que l’on peut obtenir :


Chien vert : moyenne entre 1 et 3 : pas vraiment lieu de s’inquiéter. En principe, avec cet article les jappements devraient s’atténuer facilement


Chien jaune : moyenne entre 4 et 7 : situation un peu plus “délicate”, un entre-deux, qui pourrait tourner dans un sens comme de l’autre. Je conseille l’aide d’un intervenant en comportement canin pour éviter que le problème ne s’aggrave, surtout si la moyenne tourne autour de 6-7


Chien rouge : moyenne entre 8 et 10 : une consultation avec un intervenant en comportement canin et un vétérinaire (comportementaliste) est fortement recommandée ; cet article ne pourra malheureusement pas aider les chien “rouges”, car ils ont besoin d’être suivis par des professionnels, selon un protocole bâti sur mesure


Regardons maintenant ce que donnent les moyennes de Tintin et de Kahlo :

  • Pas de surprise pour Tintin, avec une moyenne de 9,2 sur 10. Il était donc bien un “chien rouge''. Rassure-toi, il a été suivi par une intervenante en comportement canin peu après son adoption (je ne l’étais pas encore moi-même, à l’époque), et plusieurs vétérinaires, pour améliorer sa qualité de vie, et diminuer son anxiété généralisée.

  • Quant à Kahlo, on obtient une moyenne de 3 sur 10, elle est donc classée “chien vert” : tout va bien, il s'agit d’une petite poulette capable de bien gérer ses émotions, et qui ne semble pas vivre de traumatisme à la vue de ses congénères, même si cela occasionne un léger stress. Je continue donc selon mon protocole mis en place avec elle, car cela fonctionne :)


Est-ce que l’on peut résumer en disant qu’en général, plus la réaction du chien est importante, et plus le temps de récupération est long, plus l’émotion vécue est intense ?

Oui, absolument :) ! Bravo pour ce lien ! Et bien sûr, plus l’émotion est intense, plus il faudra se montrer patient et probablement conservateur dans notre plan d’entraînement, pour faire en sorte que Fido progresse :) ! Transformer un émotion viscérale comme la peur ne se fait pas en un coup de cuillère à pot (quoique des exceptions soient toujours possibles ;) )...




Sur ce, j’aimerais te laisser le temps de bien penser à tout cela, peut-être même de jouer un peu avec le F.L.I.R.T., ce qui va te donner une bonne idée de l’état émotionnel de ton chien, ou de sa “santé” émotionnelle, pourrait-on dire. Ce sera d’ailleurs un excellent point de départ pour la suite des choses, c’est-à-dire la mise en place de la gestion et des premiers exercices de fondations, pour réduire les jappements de Fido dans un contexte de réactivité, comme on le verra dans mon tout prochain article.


Je te dis à bientôt !!



Article écrit par Aline Bichsel, copropriétaire de Trop Chien et intervenante en comportement canin




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