Crédit photo : Marie-Christine Arpin
Je l'entends tous les jours en discutant avec mes clients, que ce soit dans le cadre de mon travail en tant que technicienne en santé animale ou intervenante en comportement canin. L'accès à l'information sur internet nous offre de nombreuses ressources. Cependant, il est très difficile pour le commun des mortels de se faire une idée précise sur quelle information se fier. Le métier d'intervenant en comportement canin est en pleine émergence, et de plus en plus de gens souhaitent exercer la meilleure profession du monde, travaillant auprès des propriétaires pour améliorer le comportement de leur chien et structurer son éducation. Le gros hic au Québec, c'est que ce n'est pas un métier qui n'est pas règlementé par un ordre professionnel. N'importe qui peu alors se dire intervenant en éducation canine ou dresseur sans formation crédible.
Afin de choisir un intervenant ou une entreprise qui reflète vos valeurs et propose des conseils adaptés à votre quotidien, il est important de comprendre pourquoi et comment les intervenants choisissent leurs méthodes d'éducation. Pour ce faire, il est essentiel de comprendre comment les chiens apprennent ! J'espère que vous êtes prêts, car cet article va couvrir beaucoup de matériel technique !
Premièrement, il existe actuellement trois écoles de pensée en matière d'entraînement canin. Généralement, ces méthodes sont désignées comme traditionnelles, balancées ou positives. Elles peuvent être représentées par d'autres termes, mais ceux-ci sont les plus courants. Je propose de passer rapidement en revue chaque méthode. Je tiens à vous informer dès maintenant que cet article sera orienté vers les méthodes positives, car ce sont les techniques utilisées par tous les membres de l'équipe Trop Chien.
Le terme "méthode traditionnelle" est assez représentatif des techniques utilisées par ces entraîneurs. Celles-ci reposent souvent sur la théorie de la dominance, ou en d'autres termes, sur l'établissement d'une hiérarchie entre le propriétaire et le chien. Il s'agit de techniques qui datent de plusieurs décennies.
Les entraîneurs canins utilisant la méthode "balancée" vont recourir aux quatre quadrants du conditionnement opérant. Je reviendrai en détail sur le concept de conditionnement opérant plus tard dans cet article. En résumé, les intervenants balancés utiliseront, le renforcement positif, la punition négative, le renforcement négatif, mais aussi la punition positive (vous allez comprendre plus loin, promis).
Un intervenant en comportement canin utilisant des méthodes "positives" n'utilisera qu'un ou deux quadrants du conditionnement opérant, à savoir le renforcement positif et la punition négative. C'est d'ailleurs ce que le Regroupement Québécois des Intervenants en Éducation Canine (RQIEC) exige comme méthode à ses membres, et c'est la méthode recommandée par l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec.
Maintenant que vous êtes informé des trois méthodes d'éducation canine utilisées par les entraîneurs actuellement, nous allons examiner doucement les bases de l'éducation canine et les implications de chacune. D'ailleurs, si vous aimez lire sur le sujet et comprenez l'anglais, je vous suggère chaleureusement les livres suivants :
L'éducation canine en elle-même repose sur deux concepts majeurs (qui ne datent pas d'hier !) : le conditionnement classique et le conditionnement opérant.
Avant d'entrer dans les détails, je souhaite simplifier le texte en utilisant trois abréviations (ABC) :
A (Antécédents) : Aussi appelés stimuli conditionnels, ils sont des éléments de l'environnement de l'animal, tels qu'une sonnette, une commande verbale, la vue d'un chien, etc.
B (Comportement) : Il s'agit de l'action que l'animal effectue.
C (Conséquence) : Aussi appelés stimuli inconditionnels, ce sont les résultats de l'équation. Ils peuvent être positifs (comme de la nourriture) ou négatifs (comme un "non" ou une correction).
Revoyons quelques exemples pour nous assurer que vous avez bien compris :
Vous dites "Assis" (A), le chien s'assoit (B), vous donnez une récompense délicieuse (C). Le chien comprend alors que le mot "assis" va lui apporter des récompenses s'il s'assoit.
Le conditionnement classique
Le conditionnement classique, découvert par Pavlov à la fin des années 1890 (comme je l'ai mentionné, ça ne date pas d'hier, ahahha), n'implique pas directement le comportement en soi, mais plutôt les émotions du chien. Il s'agit d'une relation entre A et C uniquement.
Rapidement le terme conditionnement classique veut dire ''Lorsque ceci arrive dans mon environment, alors cette conséquence arrive''.
Voici un exemple :
Le chien entend le bruit du sac de récompense (A), qui est associé à l'obtention d'un biscuit délicieux (C) - L'effet sur l'émotion est que le chien est heureux lorsqu'il entend le sac de biscuit, même si le son du sac en soi ne signifie pas grand-chose ! Le chien a appris par association classique que le bruit du sac annonce quelque chose de positif.
Le chien voit un coupe-griffe (A), qui est associé à la coupe des griffes (C) - il éprouve maintenant de la peur lorsqu'il voit le coupe-griffe.
Le conditionnement opérant
Le conditionnement opérant, découvert quelques années plus tard au milieu des années 1900 par Skinner, agit directement sur le comportement du chien. Il s'agit d'une relation entre B et C. Ce type de conditionnement comporte quatre quadrants qui influent sur le comportement du chien.
Rapidement le terme conditionnement opérant veut dire '' Si je fais ce comportement, alors cette conséquence arrive''.
Le terme "renforcement" signifie ici que le comportement se répète, et le terme "punition" signifie que le comportement diminue en fréquence.
Le terme "positif" signifie qu'on ajoute quelque chose, et "négatif" signifie que quelque chose est retiré.
Voici donc les 4 quadrants du conditionnement opérant. Ce ne sont que des exemples parmi beaucoup, et je vais être un peu "dramatique" pour rendre le tout aussi clair que possible :
R+ - Renforcement Positif (ajout de quelque chose pour que le comportement se répète) :
Le chien s'assoit (B) - Biscuit (C) -
Le comportement de s'asseoir est renforcé positivement par le biscuit.
P+ - Punition Positif (ajout de quelque chose pour que le comportement diminue) :
Le chien jappe (B) - Il reçoit une décharge de son collier à la citronnelle (C).
Le comportement de japper est donc puni positivement par la décharge (on ajoute une décharge [+] pour que le comportement diminue [P]).
P- - Punition Négative (Retrait de quelque chose pour que le comportement diminue) :
Le chien jappe (B) pour obtenir de l'attention - La personne concernée va se cacher dans la salle de bain (C).
Le comportement de japper sera alors puni négativement car le chien ne peut plus voir son humain.
R- - Renforcement Négatif (On retire quelque chose pour que le comportement se répète):
Le chien ne veut pas s'asseoir, alors on met une pression sur ses fesses. Une fois que le chien s'assoit (B), on retire la pression (C) - Le chien va alors s'asseoir pour que la pression disparaisse.
Une relation existe entre les deux !
Il faut faire attention, car un lien A-B-C existe. Par exemple :
Le chien entend le bruit du sac de biscuit (A) - Il vient rapidement vers vous (B) - Il reçoit un biscuit (C). Le fait de revenir est alors renforcé positivement par le conditionnement opérant (B-C), et le chien fait une association positive avec le bruit du sac par le conditionnement classique.
Le chien voit un chien dans la rue (A) - Il aboie (B) - Il reçoit un coup d’étrangleur (C). Le fait de japper est puni positivement (P+), donc le chien diminue les jappements, cependant, par le conditionnement classique, il va associer que la vue d’un chien (A) prédit un coup d’étrangleur (C).
Et si un retourne sur les méthodes d'entraînement ?
Maintenant, si on revient sur les méthodes d'entraînement expliquées plus tôt, les éducateurs canins qui sont balancés vont alors utiliser les quatre quadrants du conditionnement opérant.
Les entraîneurs en positif vont alors utiliser le renforcement positif et certains vont aussi utiliser la punition négative. Finalement, pour les méthodes traditionnelles, c’est souvent un mélange des méthodes balancées, mais ils s’ajoutent souvent les concepts hiérarchiques basés sur la théorie de la dominance qui méritent certainement un article à elles seules :)
Maintenant, il faut être vigilant par rapport aux exemples que j’ai donnés. Je l’ai mentionné plus tôt, mais il y a énormément de façons d’utiliser les quatre quadrants, parfois cela peut même être accidentel !
Une fois, j’ai voulu renforcer positivement une nouvelle commande pour Sachi, ma beagle. Je lui ai offert une nouvelle gâterie qu’elle a détestée. Par la suite, elle ne voulait plus faire la commande. J’ai donc, sans le vouloir, puni positivement (P+) la nouvelle commande même si mon intention était de la renforcer positivement (R+). La morale de cette histoire est de faire attention à ce qui peut vous être proposé comme technique. Les méthodes positives sont souvent utilisées comme techniques marketing, car c’est de plus en plus à la mode. Si vous n’êtes pas certains d’une méthode ou d'un exercise proposé par votre intervenent, posez-vous (ou posez-lui!) la question : ‘’Est-ce que je donne ou j’enlève quelque chose à mon chien (positif ou négatif) et est-ce que le résultat est que le comportement diminue en fréquence (Punition) ou augmente (Renforcement)’’. Vous aurez donc la réponse sur la méthode utilisée par l’entraîneur vous-même 🙂
Sur ce, je termine en rappelant que tous les intervenants de Trop Chien utilisent les méthodes positives et n'ont recours qu'au renforcement positif et à la punition négative. Si jamais vous avez des doutes ou des questions, n'hésitez surtout pas à venir nous en parler. Nous sommes là pour vous !
Aryel Lafleur, intervenante en comportement canin, technicienne en santé animale et copropriétaire
Comments